Demander aux artistes qu’est-ce qu’on devrait faire comme développement durable culturel pour le 21e siècle. C’est simple. Donnez-nous du fric. Beaucoup de fric. Beaucoup de fric, et carte blanche, aussi.
Le gouvernement ne doit pas imposer une esthétique. Peut-être que certaines personnes abuseront, feront des choses très laides et très connes, mais c’est pas grave. Je demande l’anarchie esthétique, rien de moins, et je veux être payé pour.
Et soyez un peu gambler. Let’s go, on fait un monument fucked up! Donnez un terrain vague et un gros budget à un architecte un peu fou. On manque d’architecture, au Québec. Et on manque de fucked upness. Le stade olympique… il est pas si laid. C’est juste que si on voulait en faire un symbole, c’est raté. Bien trop commun. Des choses communes, il y en a partout sur Terre. Allez. On fait quelque chose de tellement fucked up que les gens de partout sur Terre se déplaceront pour le voir. Une affaire folle.
Tout le monde va dire : «ça va être un désastre, ça va être un désastre!» On va envoyer des emails à Pierre Foglia. Pis on pourra rien faire, parce que le contrat va être signé, et dans la constitution, on aura décrété l’anarchie esthétique. Alors on va regarder le désastre se produire.
Le monument fucked up, le monument fucked up! Des émeutes, pis toute.
Chui tanné que les gens soient indifférents. J’veux qu’ils soient choqués, qu’ils huent, qu’ils fassent des manifestations anti-art-dégénéré. Le gouvernement nous donne tellement pu de fric que ça choque pu.
Pis on s’en crisse, du «durable» dans la culture. La seule chose importante, c’est l’anarchie esthétique, et de ce géant chaos, on palpera parfois le beau.
Le beau, il est toujours là, peu importe le budget. Mais le beau avec du gros budget, c’est le fun. C’est un sophisme esthétique que je sais apprécier.
Faudrait parler un peu plus d’art dans les médias. Autant que le sport. «Tel artiste visuel nous a encore fait le coup d’une toile avec du caca dessus.» Ou une critique sur les seins des concerts de danse contemporaine.
Ah. Pis non, finalement. Le sensationnalisme, c’est un peu trop sophistique pour mon esprit si raffiné. Les totons des danseuses contemporaines, c’est de façon intellectuelle que je me branle dessus.
La durabilité en culture, ça sert peut-être à ce que plus de gens pratiquent la masturbation mentale.
La durabilité, ça ne serait pas aussi un sophisme?
Faudrait définir «durable». Et «beau». Et «art». Et plein d’autres affaires de fonctionnaires.
Mais à la place on devrait faire un gros monument fucked up.
Vanessa a écrit, dernièrement, sur l’importance de l’aspect social de la musique. Prenons pour axiome que toute création est nécessairement, entre autre, un acte social et que, consciemment ou pas, les décisions prises par l’artiste sur son œuvre découlent de cet aspect.
Mon père a vécu les années 60 et 70, et me dresse parfois le portrait idéalisé de cette époque : l’amour libre, la drogue douce et les bons vieux disques vinyles. «Quand les Beatles sortaient un nouvel album, on avait l’impression que la Terre tremblait, qu’il se passait quelque chose!»
Il se passait quelque chose, c’est vrai. Un mouvement de société. Mais tout ce qui m’intéresse, moi, c’est la musique. Je ne regrette donc pas du tout de ne pas avoir vécu les années 60 et 70.
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Ma coloc m’a demandé si ça m’intéressait d’écrire de la musique de film. Oui et non, mais plutôt non.
Ma mère pense intérieurement (elle le niera) que j’ai beaucoup de restants d’adolescence dans ma façon de penser. Faisons-nous plaisir : lisons du Baudelaire!
« — Mon beau chien, mon bon chien, mon cher toutou, approchez et venez respirer un excellent parfum acheté chez le meilleur parfumeur de la ville. »
Et le chien, en frétillant de la queue, ce qui est, je crois, chez ces pauvres êtres, le signe correspondant du rire et du sourire, s’approche et pose curieusement son nez humide sur le flacon débouché ; puis, reculant soudainement avec effroi, il aboie contre moi en manière de reproche.
« — Ah ! misérable chien, si je vous avais offert un paquet d’excréments, vous l’auriez flairé avec délices et peut-être dévoré. Ainsi, vous-même, indigne compagnon de ma triste vie, vous ressemblez au public, à qui il ne faut jamais présenter des parfums délicats qui l’exaspèrent, mais des ordures soigneusement choisies. »
Baudelaire, Le spleen de Paris, VIII
C’est normal, avec cette façon de penser, que je compose de la musique qui ne cherche pas du tout à plaire au plus de gens possible.
Il n’y a que l’art qui m’intéresse, et pas son aspect social. Mais l’aspect social fait intrinsèquement partie de l’art.
J’pas mal lendemain de veille. Selon le Tao Te King, ça l’air que plus on a d’ambitions, plus on échoue. Laissez-moi vous confier que j’ai complètement échoué à mon ambition de ne pas trop boire et rentrer tôt.
C’pas trop de ça que je voulais vous parler, en fait. C’est juste qu’un blog c’est un endroit où on étale notre vie privée et on a même la prétention et l’arrogance de croire que c’est intéressant. Les blogues de la SMCQ ou sur Gilles Tremblay échouent à étaler la vie privée de leurs auteurs, c’est pas ça le web 2.0! Mais ce blogue-ci sera parfait.
Apprendre à aimer la musique contemporaine, c’est un peu comme apprendre à aimer le scotch. Tu commences pas ça de même, paf, passer du petit lait au scotch. Il y a bien des étapes. Souvent on commence à la bière. Puis au vin. Pis au whisky irlandais. Pis là, si on apprécie toute ça, on peut commencer à apprécier le scotch.
Le scotch, c’est un goût complexe. Une fois, j’ai goûté une bière tellement fermentée et tellement aigre! C’en était incroyable. Le goût était extrêmement complexe, on pouvait y goûter tout ce qu’on voulait : des framboises, du chocolat, des agrumes… Mais si je n’avais jamais pris le temps d’apprécier les autres alcools, j’aurais considéré cette bière comme infecte! Un de mes amis l’a d’ailleurs recrachée dans le lavabo.
On ne se mentira pas : la musique contemporaine c’est souvent complexe et hermétique. Mais pas plus que le scotch ou cette bière exquise (dont je ne me souviens plus du nom). Mais qu’est-ce que ça me donne d’apprécier cette bière qui se rapproche du goût d’un liquide rancit? Tout simplement d’aimer une chose de plus, d’apprécier la vie d’une façon encore plus globale qu’avant…
J’avais une discussion avec mon ami Colin cet après-midi. On parlait de lecture. Il disait : «la lecture, c’est un plaisir silencieux.» C’est vrai. La lecture, ce n’est pas comme prendre de l’extasy. C’est un plaisir qui fermente!
Chez moi, le grand raffinement côtoie inévitablement la grande débauche. Heureusement que je ne suis que modérément raffiné!