Mozart et John Cage
« Ben oui, c’est ça, Gaube, t’as compris Mozart. »
C’est mes amis qui se foutent de ma geule parce que tout ce qu’ils ont entendu de la conversation que j’avais avec une autre amie, c’est « … et c’est exactement ÇA, Mozart. » C’était dans un bar, et un bribe de la conversation a submergé du silence entre deux tounes. C’est qu’on parle fort, dans un bar, alors lorsqu’il y a ces 3 ou 4 secondes de silence, le bribe de notre conversation est très apparent ; surtout si, par hasard, toutes les autres conversations des gens autour se retrouvent aussi dans le silence, dans ces 3 ou 4 secondes qui mettent le point final à un sujet de discussion.
Tout ce qui nous arrive est le fruit du hasard. Mais des fois, il est plus intéressant que d’autres.
L’ingratitude de la démarche artistique exprimée à travers une comparaison sexuelle
La démarche artistique est pareille à une relation sexuelle, mais à l’envers. C’est à dire que le plaisir est au début, et pas à la fin. C’est une courbe descendante exponentielle (vous savez à quel point j’aime les courbes exponentielles?).
Je compare le plaisir strictement physique des relations sexuelles (dans le sens où il y a plusieurs plaisirs dans une relation sexuelle autres que physiques. Mais ce n’est pas de ceux-là qu’on parle, ici.) au plaisir spirituel de la démarche artistique.
Je marche. Je vais au conservatoire. Je suis dans ma bulle. Et soudain! PAF! Une idée. Je fais le parallèle avec toutes ces autres idées sur lesquelles je travaille depuis deux semaines. Tout déboule en 2 minutes. Quels instruments, quels musiciens, quelle durée (environ), quel ambiance, quels matériaux de base, quel contexte, etc. C’est merveilleux, mon cœur bat fort, je suis excité, je danse et je chante des passages de cette nouvelle toune qui vient de naître. (c’est l’orgasme)
En fait, non, elle n’est pas du tout née. C’est seulement une abstraction pure. Ça va me prendre 3 mois de travail avant de mettre au monde cette idée.
Écrire des notes. Approfondir le concept. Apprendre à écrire pour l’instrument. Finalement, ce trille-là n’existe pas. Changer le concept pour que le trille n’en fasse plus partie. Changer le concept pour que plein d’affaires qui sonnaient mieux dans ma tête et qui sonnent mal dans la réalité n’en fassent plus partie.
Ça permet quand même à la pièce d’être plus solide, et le concept est toujours là. Mais ça a demandé beaucoup de travail. Et il en reste plein. Saleté de réalité.
Et la vraie de vraie de vraie réalité, la cerise sur le gâteau (à l’envers) de la courbe descendante, le point 0. LA MAUDITE MISE EN PAGE SUR CE MAUVAIS LOGICIEL QU’EST FINALE. JE TE DÉTESTE, FINALE, JE TE DÉTESTE!!!
Bon. Il y a le moment où ma pièce est jouée, qui est quand même un bon moment. Mais vous savez à quel point je suis « artistique. » Pour être in, je dis que mes vieilles tounes sont mauvaises et que je suis rendu « tellement ailleurs. » Le pire, c’est que je le pense.
C’est un travail ingrat.
Et le pire, c’est que je suis extrêmement chanceux de pouvoir le faire. Je suis moi-même ingrat de le trouver ingrat.
C’est une courbe exponentielle d’ingratitude.
L’anarchie et l’excès
C’est pas grave, les excès. Ça devient grave quand ça nous enlève des vies humaines, mais sinon ça ne nous enlève rien. En fait, ça nous apporte de grandes choses.
En art, les grandes innovations artistiques du XXe siècle se sont faites par l’excès. Les 4 minutes 33 de John Cage, le carré blanc sur fond blanc de Malévich, Empire d’Andy Warhol sont trois exemples parmi tant d’autres d’œuvres manifestes qui ont changé le cours de l’histoire de l’art ; non pas parce qu’elles sont d’un intérêt contemplatif et esthétique extraordinaire, mais par leur côté innovateur, conceptuel, choquant, etc.
De ces excès, les artistes ont appris de grandes leçons sur leur discipline artistique. Le silence est maintenant un grand élément de langage en musique contemporaine, la construction l’est en art visuel, et le statisme l’est au cinéma.
Il n’y a que l’anarchie qui nous permette les excès, et en art, c’est souhaitable!
Ceux qui écoutent les enfants ont du temps à perdre / Einstein avait du temps à perdre
Ça fait 3 ans que j’ai eu cette conversation. (avez-vous remarqué que mon blog sert surtout à avoir le dernier mot dans des conversations ultérieures? Peut-être que j’ai du mal à ne pas avoir le dernier mot.)
Elle disait que l’art minimaliste (comme les toiles monochromes) étaient tout à fait de l’art parce que les enfants aimaient beaucoup ces toiles dans les musées. « Les enfants comprennent les toiles monochromes. »
Ouin, pis?
Moi, j’aime mieux les trois V.
Vanessa
Vanessa et moi, on a décidé qu’on allait se chicaner publiquement plus souvent. Parce qu’on a reçu les statistiques de l’année pour notre blog, et que l’article le plus lu est Réponse à la pédanterie baudelairienne de Gaube. Pis parce qu’on aime ça, se chicaner. Alors checkez-nous ben aller!